03/05/2007: POURQUOI NOUS REFUSONS LE VOTE ELECTRONIQUE (2007)
Le vote automatisé remet en question les deux fondements essentiels de notre système démocratique, qui forment la base du principe de légitimité de ce système : le contrôle des opérations électorales par les électeurs et la garantie du secret du vote.
Les électeurs ne sont plus en mesure de surveiller les élections
En effet, le système de vote automatisé introduit un intermédiaire incontrôlable sous diverses formes et à diverses étapes. Voyons lesquelles.
Notre « bulletin magnétique » est-il vierge ?
Les informations contenues sur la carte magnétique qui sert de bulletin de vote, ‘’initialisée’’ par le président du bureau à notre arrivée, ne sont pas lisibles à l’œil nu.
Notre vote est-il bien sur notre carte magnétique ?
Lorsque nous « validons » notre choix, tel qu’il apparaît sur l’écran, sommes-nous certains qu’il s’inscrit sur la carte magnétique ? Même en relisant la carte, sur le même ordinateur ou sur un autre, nous ne pourrons jamais « voir » que ce que le système veut bien nous montrer !
L’urne électronique ne modifie-t-elle pas notre vote ?
Lorsque nous introduisons notre bulletin magnétique dans une urne électronique, sommes-nous certains que cet ordinateur lit et enregistre fidèlement notre carte et ne modifie en rien ce qui y est enregistré ?
Qui surveille encore les dépouillements ?
Avec le vote électronique, il n’y a plus de dépouillement. Les disquettes provenant des urnes électroniques sont décodées dans la plus parfaite opacité : personne ne voit rien, ce sont des programmes d’ordinateurs qui opèrent.
Qui garantit le bon fonctionnement de ces systèmes ?
Ce sont les présidents des bureaux de vote, les assesseurs et les témoins des partis qui sont chargés de veiller au bon fonctionnement des élections. Mais, avec le vote électronique, ces personnes ne sont pas en mesure d’affirmer que tout s’est déroulé correctement, car ce sont des programmes d’ordinateurs qui opèrent en toute opacité. De plus, si un ordinateur tombe en panne, c’est un technicien d’une firme privée désignée à cet effet qui est appelé. Qui peut affirmer qu’aucun vote ou décompte n’est modifié lors de cette intervention ?
Depuis la loi de 1999, un collège d’experts, désignés par les diverses assemblées parlementaires du pays, est chargé de surveiller l’ensemble des opérations électroniques avant et pendant les élections. Mais ces ‘experts’ ne sont pas réellement indépendants et sont tenus au secret. Ils sont trop peu nombreux et avec trop peu de temps que pour espérer tout contrôler. A chaque rapport collégial ils s’en plaignent mais leurs recommandations sont rarement suivies. Du reste, ce collège d’experts n’a qu’un pouvoir consultatif : leurs constatations, même en cas de graves problèmes, n’annulent pas les élections et peuvent être tout simplement ignorées. C’est d’ailleurs ce qui se passe régulièrement.
Les décisions ont été prises sans réel débat démocratique.
Lorsque, en 1991, le premier projet de loi sur le vote électronique a été discuté, les initiateurs du projet déclaraient poursuivre quatre objectifs, à savoir : réduire le nombre d’assesseurs, réaliser des économies, communiquer plus rapidement les résultats et augmenter leur fiabilité. L’« expérience » devait permettre d’évaluer la qualité des solutions techniques et, ensuite, préparer le terrain pour un débat de fond au terme duquel il serait finalement (et politiquement) décidé de passer du stade expérimental au stade institutionnel - ou d’abandonner l’expérience.
Les objectifs visés n’ont pas été atteints...
Diminuer le nombre d’assesseurs : Les assesseurs au dépouillement ont disparu, mais les personnes mobilisées sont plus nombreuses dans les bureaux de vote électronique et effectuent des prestations nettement plus longues.
Réaliser des économies : Des chiffres publiés par le ministère de l’intérieur fin mai 2005, il résulte que le vote électronique coûte trois fois plus cher que le vote papier.
Communiquer plus rapidement les résultats : Globalement, il n’y a pas eu de communication plus rapide des résultats malgré la suppression des opérations de dépouillement. Les résultats des cantons pour lesquels le vote électronique était de rigueur ont souvent été communiqués après la plupart des autres résultats.
Augmenter la fiabilité : Le vote automatisé s’avère non fiable techniquement. Depuis 1999, tous les rapports des collèges des experts font état d’erreurs, détectées uniquement lorsque les résultats sont visiblement aberrants.
Donc, avec le système du vote électronique des erreurs sont possibles. Mais - et c’est ça qui est grave - ces erreurs ne sont détectables que lorsqu’elles produisent de manière visible des résultats aberrants. Comme le système est non contrôlable, des erreurs tout à fait possibles, et même massives, mais ne produisant pas des résultats visiblement aberrants, peuvent bel et bien, à l’insu de tous, et de manière invérifiable, modifier le résultat des élections. (Involontairement ... ou volontairement).
... Et cependant, le système a été prorogé et même étendu, jusqu’à couvrir 44% de l’électorat !
On aurait pu penser que nos parlementaires, au vu de ces résultats, adoptent une attitude prudente vis-à-vis de la mise en place ou du maintien de ces systèmes : bien loin de là, l’ « expérience » annoncée a été prolongée et étendue depuis plus de 15 ans.
Dans ce cas, quelle était la motivation des décideurs ?
Sommes-nous, en tant que citoyens, disposés à payer l’avantage douteux de bénéficier d’un système ’’moderne’’ coûteux et peu sûr au prix d’une grave régression de nos droits démocratiques?
Et voici à nouveau venu le moment des élections.
Le 10 juin 2007, 44% des électeurs (22 % en Wallonie, 49 % en Flandre et 100 % à Bruxelles) seront à nouveau contraints de procéder à l’élection de leurs représentants par l’intermédiaire de programmes informatiques.
Cette échéance est très importante : en effet, les ordinateurs actuels, utilisés depuis 10 à 15 ans, sont en fin de vie, et ne peuvent plus être utilisés ultérieurement. Le parlement élu en 2007, par le truchement de ces ordinateurs, devra décider des procédures à mettre en place en temps utile pour les élections européennes de juin 2009.
Assisterons-nous - enfin ! - au vrai débat de fond qui n’a jamais eu lieu jusqu’ici ? Y aura-t-il - enfin ! - une évaluation honnête des « expériences » passées, basée sur des critères stricts d’exigence démocratique ?
La démocratie en danger
La démocratie étant un système à « souveraineté populaire », tous les pouvoirs politiques - de délibération, décision et exécution - appartiennent a priori pleinement (et uniquement) à la collectivité formée par l’ensemble des citoyens. Mais dans une démocratie représentative (et non directe) telle que la nôtre, les citoyens, plutôt que de participer directement aux décisions politiques, délèguent temporairement leur pouvoir, par le système des élections, à des représentants élus par eux pour quatre, cinq ou six années.
Le jour des élections est le seul moment où les citoyens exercent personnellement leur pouvoir, en choisissant les personnes qu’ils jugent les mieux à même de les représenter et de défendre leurs intérêts, individuels ou collectifs.
Dans le choix des méthodes de scrutin, la question du contrôle sur celles-ci est d’une importance capitale : SOIT les méthodes adoptées permettent que ce contrôle soit exercé par n’importe quel citoyen normalement éduqué, SOIT ces méthodes ne sont contrôlables que par une poignée de spécialistes, eux-mêmes incontrôlables par définition!
Il ne s’agit pas d’un point de détail, mais bien du cœur même du débat qui devrait avoir lieu : est-il opportun, pour des raisons de ’’modernité’’ ou d’’’efficacité’’, d’adopter, ou même d’examiner, un processus électoral qui, par nature, ne peut pas être observé et évalué de bout en bout par des citoyens ordinaires ?
Cette question devrait être considérée comme éliminatoire dès la première étape de l’examen d’une nouvelle technique de vote, et aurait dû être envisagée avec le plus grand sérieux dès avant l’introduction « expérimentale » du vote électronique.
En effet, quelle confiance les citoyens peuvent-ils accorder aux opérations électorales s’ils sont privés de leur droit de regard sur celles-ci, obligés de s’en remettre aveuglément à un ‘bulletin de vote’ magnétique illisible et altérable, une méthode d’enregistrement opaque pour tout observateur humain, des ‘dépouillements’ et totalisations tout aussi opaques, la ‘garantie’ du fonctionnement honnête du système n’étant assurée que par la parole d’une poignée de personnes, membres du ‘collège des experts’ - désignés par le pouvoir en place - et celle des techniciens qui ont mis au point le système et le contrôlent ? Quelle légitimité reste-t-il aux « représentants » élus de cette manière ?
Hors contrôle citoyen, de qui les élus peuvent-ils se prétendre les représentants ?
Non seulement le système du vote électronique introduit des erreurs et ouvre la voie à des possibilités de manipulation du scrutin, mais en outre, il revient à vider de son sens la démocratie (pouvoir aux citoyens) et à la remplacer par la technocratie (pouvoir aux techniciens).
Nous assistons de fait à un changement sournois de régime ; chacun est libre de penser ce qu’il veut de ce changement, quant à nous, nous le disons bien haut : une telle mutation, introduite sans le consentement éclairé de l’ensemble des citoyens, dépasse considérablement le cadre des pouvoirs normalement dévolus à nos élus !
Pour notre part, tant que les conditions minimales requises pour des élections libres et honnêtes, c’est-à-dire avec contrôle direct de l’électeur, ne sont pas respectées, nous continuerons à manifester publiquement notre rejet du vote électronique et notre refus de voir ce système reconduit sans garanties solides pour les citoyens. Le danger qui menace la démocratie le justifie.
Nous appelons tous les démocrates convaincus à nous rejoindre dans ce combat, par les moyens qu’ils jugeront les plus appropriés, pour que rien ne s’interpose jamais entre la volonté de l’électeur et son mode d’expression et pour que le pouvoir de contrôler les élections soit rendu aux électeurs.
Le temps presse : si les mauvais choix sont faits, notre démocratie risque d’être encore prise en otage par les ordinateurs pour les 10 à 15 ans qui viennent.
Ce combat, nous devons le gagner car il en va de l’avenir de notre démocratie.
PourEVA
Association de citoyens Pour une Ethique du Vote Automatisé
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