11/10/2024: Élections communales et provinciales du 13 octobre : le vote électronique n’est ni fiable, ni démocratiquement contrôlable
Texte publié sur le site de La Libre Belgique le 5/10/2024
Au sein de l’Union européenne, la Belgique reste la « championne » du vote électronique. Dans 22 des 27 États de l’Union, le vote est aujourd’hui manuel (« papier ») à 100 %. La Belgique est, de loin, l’État de l’UE où le plus grand nombre d’électeurs ont encore l’obligation de voter électroniquement [1].
En juin dernier, comme lors de TOUTES les élections précédentes au cours desquelles le vote électronique a été utilisé, le Collège d’experts chargé du contrôle des systèmes électroniques de vote, de dépouillement et de collecte des résultats a constaté de nombreux dysfonctionnement de ces systèmes [2]. Pour le plus sérieux d’entre eux (le problème des nombreux électeurs n’ayant pas reçu la bonne carte à puce leur permettant de voter), ce Collège a conclu qu’il ne pouvait être exclu qu’il ait eu un impact sur la répartition finale des sièges pour une ou plusieurs élections. La conséquence logique aurait dû être de recommencer ces élections dans tous les cantons électoraux potentiellement concernés (ceux où on a voté électroniquement). Ce qui, une fois de plus , n’a pas été fait [3].
En juin 2015, ces dysfonctionnements à répétition d’élections en élections ont finalement amené le Parlement wallon à abandonner ce système opaque et peu fiable au profit du vote « papier », par ailleurs beaucoup moins cher.
Par contre, les parlements des régions bruxelloise et flamande ainsi que celui de la Communauté germanophone ont opté pour le maintien du vote électronique, avec « tickets » cette fois, un système encore plus coûteux que le vote électronique sans tickets… qui se révélera, dans la pratique, tout aussi peu fiable et tout aussi peu contrôlable par les citoyens-électeurs que le système automatisé précédent.
Ainsi, ce 13 octobre, tous les électeurs de la Région bruxelloise, des 9 communes germanophones et de 159 des 300 communes flamandes seront à nouveau tenus, pour voter, d’utiliser un système échappant totalement à leur contrôle. Car si l’électeur sera en mesure de lire le texte imprimé sur le ticket que lui fournira la machine à voter, c’est le code QR, présent sur le même ticket mais illisible pour lui, qui sera lu par l’ « urne électronique » recueillant les votes. La totalisation de ceux-ci sera entièrement automatisée.
En Flandre, la loi ne prévoit aucun comptage des tickets. Le nouveau code électoral bruxellois [4] stipule, comme lors des élections locales précédentes, que le président du bureau principal aura l’obligation de procéder à un recomptage manuel des résultats électoraux pour « au moins un » bureau de vote par commune (alors que les grandes communes compteront plusieurs dizaines de bureaux de vote). Mais cette fois encore il ne prévoit aucune participation de citoyens-électeurs autres que le président du bureau principal à cette opération. Et il ne dit pas ce qu’il y aura lieu de faire en cas de différence de résultat avec le comptage électronique. De qui se moque-t-on ?
Dans ces circonstances, l’ajout de « tickets » au système de vote électronique n’est qu’un leurre pour mettre les électeurs « en confiance », sans pourtant leur donner la moindre possibilité de contrôler réellement les opérations électorales. Contrairement à ce qui se passe pour le scrutin « papier », la loi encadrant ce système ne donne aucun moyen aux présidents et assesseurs chargés des opérations électorales, ainsi qu’aux témoins des partis présentant des candidats, de contrôler l’ensemble des opérations électorales et tout particulièrement la comptabilisation des votes. Ce manque de transparence est inadmissible en démocratie.
[1] Pour plus de détails sur la situation en la matière dans les États de l’Union européenne, lire https://www.poureva.be/spip.php?article1007
[3] Cf. par exemple le "bug" des élections de mai 2014, lors desquelles 2.250 votes (nombre officiel qui n’a pas pu être vérifié par les témoins de liste) n’ont pas été pris en compte dans des communes où on votait électroniquement. Cela n’a entraîné nulle part l’annulation des élections alors que dans certaines circonscriptions l’élection de certains candidats s’était jouée à quelques voix près.
[4] voir https://pouvoirs-locaux.brussels/20-juillet-2023-ordonnance-portant-le-nouveau-code-electoral-communal-bruxellois